Par Hubert de Haro
La passion pour les belles mécaniques est le moteur du Groupe BPM (Bornhauser Performance Moteurs).
La dimension multiple de cet univers a toujours fasciné Patrick Bornhauser, Président Fondateur de ce groupe leader dans la distribution de véhicules motorisés. Qu’il s’agisse de s’adresser aux passionnés d’automobiles, de motos, de bateaux ou d’avions, l’idée lui est venue de créer le Club Pecqueur Motorists dont l’objectif est d’édifier des ponts entre ces univers.
Arrière-petit-fils du maître horloger dont la charge était de veiller à la bonne marche de l’horloge de la ville suisse de Saint-Gall, Patrick Bornhauser a toujours porté grand intérêt à la haute horlogerie. Il découvre un jour, fortuitement,
que le mécanisme du différentiel automobile a été breveté en 1827 par un horloger talentueux, Onésiphore Pecqueur.
C’est ainsi qu’en code d’accès au Club Pecqueur Motorists, il décide de faire étudier et réaliser une pièce de haute horlogerie dont la complication Dual Time GMT du calibre rend hommage à l’inventeur Onésiphore Pecqueur.
«Il y aura toujours un différentiel dans toutes les collections Pecqueur Motorists à venir, et nous chercherons toujours à le mettre en valeur à travers de nouvelles complications que nous allons développer avec notre
partenaire LTM», explique Hamdi Chatti, professionnel aguerri de l’écosystème horloger et maître d’oeuvre du projet horloger Pecqueur Motorists.
Mais en quoi le différentiel peut-il être si crucial au développement d’une nouvelle montre ?
Imaginez un instant tenir entre vos mains le premier prototype de la montre Pecqueur Motorists. Le regard est immédiatement rivé sur un pont à 7h. Atypique dans l’horlogerie, élégamment profilé, aux allures de Tour Eiffel, il enjambe une partie du cadran. À son extrémité supérieure, deux rubis attestent de la présence de rouages, visibles à l’oeil nu. Le plus grand des rouages, évidé, offre une vue plongeante dans le coeur du mouvement.
Par ailleurs, l’architecture stratifiée du cadran joue sur les superpositions où chacune est un disque particulier, comme nous l’explique Christophe Beuchat, directeur du cadranier Comblémine et créateur du cadran de la montre Pecqueur Motorists. «Le design du cadran est complexe de par ses différents niveaux de hauteur et la variété des textures. Il est composé de sept pièces et a exigé des pieds (situés immédiatement au-dessous du cadran et «fixant» ce dernier au mouvement, ndlr) de 2,5 mm, ce qui est très long et très rare dans l’industrie.» Un défi majeur que Comblémine, entreprise installée dans le Val-de-Travers depuis 2014, a relevé avec ténacité et talent.
L’observation attentive de la boîte décuple tout autant notre imagination. Essayez en effet de prolonger les lignes de la carrure qui encercle le boîtier rond de la montre, vous obtiendrez une figure géométrique proche de l’ellipse. Or, le premier compas à ellipse a précisément été inventé par le jeune Onésiphore Pecqueur dans les années 1810. Il s’agit peut-être d’un subtil clin d’oeil des designers du Stellantis Design Studio au génie mécanicien. Trait marquant qu’Aurélien Bouchet, directeur de la société AB Concept, chargée de la conception du boîtier de la montre Pecqueur Motorists, apprécie à sa juste dimension: «Le projet Pecqueur transmet une vraie histoire à travers une pièce d’art mécanique. Étant moi-même passionné par cet univers, la motivation à participer à cette magnifique aventure a été grande.»
La montre irradie également de par ses nombreux jeux de lumière. Des mains expertes ont su jouer sur les riches effets de polissage du cadran, à savoir les Côtes de Genève (marqueur visuel indéniable), le sablage ou le diamantage. L’expertise d’autres artisans tout aussi spécialisés se lit encore dans les finitions brossés, polies ou satinés. Quant à la discrétion du triptyque de la signature périphérique «Différentiel – Swiss Made – Onésiphore Pecqueur» et du logotype tout en rondeur, elle apporte une dernière touche de sobriété visuel à l’ensemble.
Spécificités du différentiel Pecqueur
- Le Différentiel du calibre Pecqueur LTM 5021 permet de corriger l’heure locale, le 2e fuseau horaire et l’indicateur jour/nuit indépendamment ou solidairement.
- Affichage de l’heure locale et de l’heure de destination (2e fuseau) par deux affichages séparés. L’heure de destination comporte aussi une aiguille des minutes.
- Un disque «GMT» indique le fuseau sur lequel l’heure de destination est calée.
- Le fonctionnement du mécanisme du Différentiel sphérique est apparent sur le cadran.
- Un indicateur «jour/nuit» lie au 2e fuseau horaire indique si l’on se trouve dans la tranche horaire 6.00-18.00 ou 18.00-6.00 .
- Une fois la montre «calibrée», une simple pression sur le poussoir positionné à « 8 heures » permet le réglage de l’indicateur de fuseau (disque) «GMT» et d’aligner le 2e fuseau horaire simultanément.
- Ergonomie de correction: Lors de la correction du 2e fuseau horaire, le Différentiel actionne les satellitaires qui accélère la vitesse du rouage du GMT et permet la correction rapide du deuxième fuseau horaire sans altérer la marche du fuseau principal.
- Un correcteur positionné à «10 heures» permet de corriger le disque par rapport à l’heure du 2e fuseau. Deux corrections sont possibles: la correction du disque GMT seul à 10h et celle du disque GMT et de l’heure GMT à 8h.
- 10 mobiles montés sur 20 rubis: 1 mobile de minuterie pour l’affichage de l’heure locale, 1 mobile de minuterie pour l’affichage du 2e fuseau horaire, 5 mobiles dont le différentiel entre la sortie du «Moteur» et l’affichage 2e fuseau et 2 mobiles pour l’affichage de la seconde.
La quadrature du cercle
«Les designers du Stellantis Design Studio se sont inspirés des rouages horlogers, détaille Hamdi Chatti, Le boîtier et le cadran ont été dessinés à l’aide d’un compas. » Et d’ajouter: «L’harmonie parfaite des différents cercles, chacun ayant sa propre fonction, met en exergue le différentiel.» Et le résultat surprend: trois cadrans décentrés auxiliaires et deux guichets semblent interagir comme autant de rouages qui se bousculent et transgressent de sages choix stylistiques ancestraux.
Mais qu’affichent-ils exactement?
Dans le sens horaire, à 11h, le cadran principal indique naturellement les heures et les minutes. Puis, à 1h, un guichet semi-circulaire affiche un chiffre (signalé par un triangle blanc), que l’on sélectionne à l’aide du poussoir supérieur gauche de la boîte. Chaque chiffre correspond à l’indication d’un fuseau horaire, sur une échelle de 0 à 12 – heures diurnes sur fond gris clair et heures nocturnes sur fond bleu foncé. Sur le cadran auxiliaire logé à 4h, les heures et minutes affichent un deuxième fuseau horaire ajustable comme suit: une fois sélectionnée l’heure souhaitée à l’aide du poussoir supérieur gauche, le poussoir inférieur gauche de la boîte synchronise automatiquement l’heure du deuxième fuseau horaire. Le petit disque jour/nuit élégant, glissé dans le cadran auxiliaire, renforce l’information diurne/nocturne. Quant au petit compteur auxiliaire Ã
6h, il scande les secondes.
Génétique appliquée
Le cadran et le boîtier de la montre Pecqueur Motorists protègent un calibre d’une rare complexité. Son étude et sa construction ont été confiées à la très discrète mais renommée société Le Temps Manufacture (LTM) située à Fleurier dans le Val-de-Travers et fondée en 2008 par l’entrepreneur Sylvain Jacques.Â
La fiche technique du calibre Différentiel Dual Time LTM 5021 est éloquente. Les engrenages étagés à renvois d’angles du différentiel relèvent d’une génétique commune au brevet d’Onésiphore Pecqueur déposé en 1827. En décryptant fidèlement la prouesse technique de l’époque, les ingénieurs revendiquent ici un pedigree. Le différentiel LTM est composé d’un noyau central en forme de croix, encadré par deux grands roues horizontales – que les horlogers nomment «mobiles». De part et d’autre du noyau central, deux pignons verticaux plus petits vissés au corps central composent le bras horizontal de la croix. «L’intérêt majeur du différentiel est de ne pas perturber la marche lors du changement de fuseau horaire, donc de gagner en précision», explique Hamdi Chatti. En d’autres termes, le coeur de calibre Pecqueur différentiel Dual Time LTM 5021 continue de battre à une fréquence de 28’800 alternances par heure, soit quatre «tic-tac» par seconde, et ce même lors de la manipulation des poussoirs. Le couple balancier-spiral préserve ainsi son isochronisme tout au long des 60 heures de réserve de marche du mouvement.
L’harmonie générale qui se dégage du calibre ne laisse en rien supposer qu’il contient 237 pièces pour une épaisseur d’à peine 7,73 mm et un diamètre d’encageage de 37,8 mm (16 ¾ lignes). Une véritable prouesse.
Point d’orgue
La montre Pecqueur Motorists s’adresse à des passionnés d’art mécanique dont certains n’ont pas nécessairement encore eu tous les codes d’accès à la haute horlogerie. Ils appréhenderont la complexité technique
de l’intégration d’un différentiel génétiquement fidèle à l’esprit de son inventeur et découvriront l’architecture stratifiée qui déploie de multiples affichages lisibles sur trois cadrans décentrés auxiliaires et deux guichets.
L’emblème du Club Pecqueur Motorists incarne un garde-temps avant-gardiste à l’esthétique épurée, une montre de sport de grande distinction qui appelle à faire découvrir son pedigree en toute discrétion. Poinçon
de cet exclusif qui caractérise l’approche «Bespoke Motoring Lifestyle» voulue par Patrick Bornhauser.
Limitée à 25 exemplaires, cette première collection «First Edition» du projet Pecqueur Motorists est inclassable et universelle. Elle n’a eu de cesse de nous surprendre, tout au long des mois de reportages et de rencontres. Cette montre éveille la curiosité et devrait
s’imposer comme une des révélations mécaniques du printemps 2023. Elle démontre que la haute horlogerie peut donner naissance à des projets novateurs dont elle a légitimité à être le socle porteur.
6 avril 2023 : Lancement du Club Pecqueur Motorists
“Engineering with artistic vision to create amazing pieces of mechanical structure"
Pour illustrer la signature et la philosophie du Club Pecqueur Motorists “Arts Mécaniques en Mouvement”, BPM Group a présenté – au sein des locaux d’Aston-Martin Paris – deux prototypes : Celui de la moto Brough Superior AMB001 et celui de la pièce horlogère Club Pecqueur Motorists dans sa livrée “First Edition”. Deux Å“uvres d’art mécanique qui capturent, chacune sur leur registre, l’essence et le dynamisme de la performance.
Retour en images sur cette soirée de lancement
Par Hubert de Haro
Parer un nouveau calibre d’un habillage esthétique idoine exige la concertation d’experts. Dans ce troisième volet de la saga «Pecqueur Motorists», nous sommes allés à la rencontre de professionnels passionnés – designers, cadraniers et concepteurs de boîtier – tous impliqués dans le succès de ce projet horloger ambitieux, catalyseur d’une genèse automobile oubliée.
Le poète allemand Johann Goethe (1749-1832) aurait achevé une longue correspondance en s’excusant en ces termes: «Désolé, mais je n’ai pas eu le temps de faire plus court.» Simplifier le complexe relève parfois du génie.
Les designers de la montre Pecqueur Motorists Dual Time LTM 5021 (lire ici l’épisode précédent sur le mouvement du modèle), code d’accès et emblème du club éponyme, le savent bien. Leur mission s’est parfois apparentée au périlleux exercice de l’équilibriste. Dans leur cahier de charges, le module du différentiel devait apparaître distinctement sur le cadran, sans jamais éclipser pour autant les multiples indications horaires.
Car cette montre n’a rien de conventionnel, bien au contraire. Au quotidien, ce garde-temps singulier dilate notre espace-temps et nous invite inlassablement au voyage, ses compteurs des heures locales et des différents fuseaux arborant une lisibilité irréprochable.
Au début était… le compas
La coutume horlogère désigne par «habillage» tous les éléments d’une montre – boîtier, cadran, aiguilles – à l’exception du mouvement. Cette tradition en dit long sur le regard porté par les professionnels sur la «silhouette» (le boîtier) et le «visage» (le cadran) du temps. Comme pour toute création de haute couture, l’aventure commence par le trait, cette projection dessinée sur papier des idées et concepts imaginés.
Les mentors du projet ont confié cette tâche au Stellantis Design Studio, créé en 2021 par le groupe Stellantis, dans le sillage du Peugeot Design Lab. «Les designers se sont inspirés des rouages horlogers, détaille Hamdi Chatti, maître d’œuvre du projet horloger Pecqueur Motorists. Le boîtier, le cadran ainsi que la gravure au dos de la boîte ont été dessinés à l’aide d’un compas.»
Un compas, un cercle, un disque… autant de figures géométriques qui nous renvoient aux prémices d’une mesure du temps protohistorique: les cadrans solaires, constitués d’un cercle et un gnomon. N’ont-ils pas suffi à rythmer notre quotidien des siècles durant?
Une fois la conception finalisée et approuvée, il s’agit de passer à la délicate étape industrielle – soit de la théorie à la pratique en quelque sorte. Lors de cette opération, le projet Pecqueur Motorists a bénéficié de la compétence de deux jeunes entreprises indépendantes, reconnues pour leur professionnalisme: Comblémine et AB Concept.
Architecture tridimensionnelle
Les premiers prototypes fonctionnels de la montre Pecqueur Motorists verront le jour début avril 2023, grâce notamment à la ténacité et l’ingéniosité du cadranier Comblémine, installé dans le Val-de-Travers depuis 2014. Europa Star a rencontré son fondateur et directeur Christophe Beuchat, qui donne immédiatement le ton: «Notre constructrice interne a beaucoup travaillé sur les nombreux détails du cadran, pour garantir un rendu aussi fidèle que possible au design.»
La cadranerie recèle une riche culture industrielle, à la croisée de l’ingénierie et des Beaux-Arts. Les centaines d’opérations nécessaires à la conception d’un nouveau cadran impliquent rigueur, précision microscopique mais aussi une parfaite sensibilité chromatique. Le savoir-faire et l’inventivité de Comblémine a ainsi permis au projet Pecqueur Motorists de puiser dans une palette quasi-infinie de couleurs. Les différents essais de combinaisons chromatiques du petit disque jour/nuit sont le témoin de cette liberté créatrice.
Autre caractéristique de la montre Pecqueur Motorists, qui impose le respect: l’architecture tridimensionnelle de son cadran. «Le design du cadran est complexe de par ses différents niveaux de hauteur, explique Christophe Beuchat. Il est composé de sept pièces et a exigé des pieds (situés au-dessous d’un cadran, ils unissent ce dernier au mouvement, ndlr) de 2,5 mm, ce qui est très long et très rare dans l’industrie.»
Pour ce faire, des commandes numériques de trois axes puis de cinq axes pour l’angle du guichet de 24 heures ont été requises. Invisible à l’œil nu, chacune des pièces du cadran a reçu au préalable, un bain de galvanoplastie. Ce procédé chimique permet d’accepter un revêtement métallique, par un phénomène d’électrolyse. On cherche ici à durcir les pièces usinées et à explorer en même temps des contrées esthétiques inconnues. Car le cadran de la Pecqueur Motorists n’est pas seulement la somme de ses composants. La variété de textures obtenues par polissage le rend immédiatement reconnaissable: Côtes de Genève, sablage ou autre diamantage.
Le polisseur, comme le musicien, dispose d’une gamme étendue et personnelle d’outils. On imagine volontiers des pâtes abrasives de pierres réduites en poudre ou des brosses aux fils de laiton pour un résultat de virtuose.
Une fois le cadran et les aiguilles montés sur le calibre Pecqueur Différentiel Dual Time LTM 5021, le prototype est presque prêt. Ultime étape: l’emboîtage.
La quadrature du cercle
«L’intégration d’un mouvement (le moteur) dans un habillage horloger (la carrosserie) est essentielle en automobile mais aussi en horlogerie, explique Aurélien Bouchet, directeur de la société AB concept, chargée de la conception et de la production du boîtier de la montre Pecqueur Motorists. Les échanges techniques entre les différents intervenants sont la clé de la conception d’une montre comme d’une voiture de course ».
Le boîtier de la montre Pecqueur Motorists ne craint pas de s’afficher. À titre d’exemple, la configuration discrète des poussoirs paraît aller de soi. Et pourtant, comme le souligne Aurélien Bouchet, «il a fallu tenir compte des contraintes du mouvement et de l’étagement du cadran comme exigé dans le design».
Le boîtier AB Concept traduit précisément la volonté du Stellantis Design Studio. Il épouse, encadre et rassure sans jamais l’emporter sur l’esthétique du cadran. Un travail remarquable dont le résultat dépasse les attentes d’Aurélien Bouchet: «La montre Pecqueur Motorists réussit à intégrer une technique exigeante avec un design raffiné et unique.»
Conclusion
Beaucoup succomberont à la tentation de comparer la montre Pecqueur Motorists à d’autres modèles. Il s’agira pourtant d’un exercice vain. Ce troisième volet de la saga Pecqueur se termine en effet sur une certitude: nous avons rarement eu l’occasion de témoigner de la genèse d’une montre aussi complexe dans son design, aussi originale dans sa technicité et dans sa fonctionnalité horlogère, aussi réussie dans son habillage cadran-boîtier.
De fait, les responsables du nouveau projet horloger ont fait preuve d’une ténacité rare dans leur recherche d’un équilibre entre technicité et élégance, comme en témoigne Hamdi Chatti: «Il y a toujours un lien entre la fonctionnalité et la beauté des objets.» Ainsi est donnée sa pleine dimension à la filiation aux «Arts Mécaniques en Mouvement» chère à Patrick Bornhauser, President-Fondateur du Groupe BPM, à l’origine du développement du projet Pecqueur Motorists.
Par Hubert de Haro
Construire un nouveau calibre exige parfois de l’audace, souvent de la ténacité. Dans le plus grand des secrets, un fabricant installé dans le Val-de-Travers achève les premiers prototypes d’un étonnant mouvement mécanique. Voyage à la découverte du nouveau calibre LTM 5021, premier acte public du projet «Pecqueur Motorists».
L’écosystème horloger ne se résume pas à quelques grands groupes. Produisant tout au plus une centaine de montres par an, des entreprises indépendantes prouvent au quotidien qu’il est encore possible de concevoir un calibre original, en s’appuyant sur un réseau de fournisseurs dense et dynamique.
Parmi eux, la discrète structure «Le Temps Manufacture» (LTM) propose, à une vingtaine de clients, six calibres mécaniques – à remontage manuel et automatique – entièrement conçus et développés en interne. Établie dans le Val-de-Travers, cette société fondée en 2008 par Sylvain Jacques occupe près de cent employés répartis entre Fleurier et Couvet.
Ces «motoristes», comme on les surnomme parfois, ont été choisis par BPM Group (Bornhauser Performance Motors, un autre «motoriste»), dont le fondateur Patrick Bornhauser a donné vie au projet ambitieux «Pecqueur Motorists». L’acte premier de ce partenariat industriel verra le jour au printemps, durant la période des salons genevois, avec la présentation de la première montre Pecqueur, réservée aux membres du Club «Pecqueur Motorists» (lire notre précédent article à ce sujet ici).
«Le plus grand défi lors du développement de ce calibre a été l’intégration du différentiel ‘originel’ dans un mouvement horloger, en raison de son volume imposant.»
Le différentiel comme clef de voûte
«Le mécanisme du différentiel va être le fil conducteur de tous nos développements horlogers»: Hamdi Chatti, en charge du développement du projet horloger du club Pecqueur Motorists, donne le ton. Le cahier des charges pour la première montre Pecqueur ne pouvait donc pas être plus clair: mettre systématiquement en valeur ce mécanisme ingénieux, fil conducteur de toutes les réalisations horlogères à venir, telle la clef de voûte d’un bel édifice en devenir.
Toutefois, la construction du différentiel du Calibre Pecqueur LTM 5021 est radicalement différente de ses proches cousins. On a soigneusement évité l’écueil de la copie. «Le plus grand défi lors du développement de ce calibre a été l’intégration du différentiel ‘originel’ dans un mouvement horloger. Bien que ce différentiel apporte une plus-value non négligeable lors des corrections, son intégration a dû être pensée dès le début du projet à cause de son volume imposant», nous explique Yoann Paulin, chef de projets chez LTM.
Au premier regard, le résultat obtenu par les équipes de LTM évoque immédiatement la solution historique d’Onésiphore Pecqueur. En décryptant l’esprit Pecqueur, les ingénieurs constructeurs de LTM revendiquent un pédigrée, une lignée. Leur audace leur a permis de s’éloigner de toutes les solutions techniques contemporaines. Les amateurs de belles mécaniques les en remercieront d’autant plus que le Calibre Pecqueur LTM 5021 se limite à une épaisseur de 7,75 mm, une véritable prouesse horlogère lorsque l’on considère l’espace seul occupé par le «rouage Pecqueur».
Considéré comme le premier ingénieur automobile, Onésiphore Pecqueur dépose en 1828 le brevet d’un mécanisme qui équipe aujourd’hui toutes les voitures à traction mécanique: le différentiel.
Au service du GMT
Le différentiel du Calibre Pecqueur LTM 5021 est mis au service d’une fonction essentielle au voyageur: une deuxième indication des heures. Cette fonction est parfois appelée Dual Time (littéralement «deuxième heure») ou GMT (Greenwich Mean Time), du nom de l’heure moyenne au méridien de Greenwich, standard absolu pour les 43 fuseaux horaires actuellement utilisés dans l’ensemble des régions du globe. On pourra y voir un joli clin d’œil à la première pendule construite par Onésiphore Pecqueur. En effet, celle-ci présentait sur deux compteurs distincts l’heure légale et l’heure sidérale.
Mais en quoi le différentiel se révèle-t-il si intéressant pour une indication GMT?
«L’intérêt du différentiel dans le Calibre Pecqueur LTM 5021 est de ne pas perturber la marche lors de la mise à l’heure du GMT», nous explique Hamdi Chatti. En d’autres termes, le couple balancier-spiral continue à osciller alors même que l’utilisateur manipule la fonction Dual Time. Cette solution horlogère offre l’immense avantage de préserver l’isochronisme de la future montre Pecqueur, à savoir la régularité de la vitesse de l’organe réglant de l’échappement au cours des 60 heures de réserve de marche.
«Le premier poussoir permet le réglage du numéro du fuseau seul alors que le second poussoir permet le réglage synchronisé du numéro du fuseau ainsi que l’heure du deuxième fuseau horaire», détaille Yoann Paulin. Et c’est bien là que réside l’autre avantage considérable de la «complication Pecqueur»: permettre une lecture pratiquement instantanée de l’heure choisie comme deuxième fuseau horaire, tout en préservant l’exactitude de l’heure locale.
«L’intérêt du différentiel dans le Calibre Pecqueur LTM 5021 est de ne pas perturber la marche lors de la mise à l’heure du GMT.»
La construction audacieuse du Calibre Pecqueur LTM 5021, 100% Swiss made, puise dans un répertoire historique de première importance. Les ingénieurs constructeurs ont en effet reconstruit intégralement les engrenages du différentiel, et ce dans l’esprit de leur inventeur: Onésiphore Pecqueur.
L’harmonie qui se dégage des 237 composants du Calibre Pecqueur LTM 5021 s’annonce comme l’une des révélations horlogères de ce printemps, et saura combler les privilégiés connaisseurs du club «Pecqueur Motorists».
• Dimensions: 37,8 mm de diamètre d’encageage (16’’’ 3/4 lignes) pour 7,75 de hauteur
• Autonomie: 60h
• Fréquence: 28’800 alt/h à 4Hz
• Nombre de composants: 237 pièces
• 100% Swiss made
Par Hubert de Haro
On connaît peu Onésiphore Pecqueur (1792-1852). Enfant de la Révolution française et héritier de l’esprit des Lumières, il fut pourtant un inventeur de génie. En marge de sa charge de chef d’atelier du Conservatoire des Arts et Métiers de Paris, il développe un mécanisme d’engrenages, le «différentiel», dont les multiples applications industrielles perdurent jusqu’à nos jours. À tel point qu’un entrepreneur épaulé par une équipe de professionnels du milieu horloger, propose aujourd’hui la création du Club «Pecqueur Motorists», dont le code d’accès et l’emblème sera une pièce horlogère. Mais que sait-on de l’inventeur Pecqueur? En quoi ses découvertes ont-elles marqué son époque et contribué au progrès général? L’«esprit Pecqueur» est-il encore d’actualité?
Deux siècles se sont écoulés. Et pourtant, le traité de l’horloger Ferdinand Berthoud (1727-1807) sur l’histoire de la mesure du temps n’a pas pris une ride. Dans un langage accessible au plus grand nombre, cette première grande encyclopédie horlogère commence par diviser la conquête de la mesure du temps en neuf «époques», dont la première est «l’invention des roues dentées».
Cette genèse serait due à un mathématicien grec installé dans l’Egypte ptoléméenne, Ctesibius (285-222 av. J.-C.), qui aurait perfectionné une clepsydre par l’ajout astucieux de rouages. Son contemporain Archimède (287-212 av. J.-C.) aurait quant à lui, développé une sphère «mouvante», hypothèse corroborée par la découverte en 1901, au large de l’île grec d’Anticythère, d’un mystérieux mécanisme antique capable de représenter la course des astres.
Au fil du temps, les rouages se complexifient et forment un répertoire formidable, dans lequel les horlogers puisent pour concrétiser leurs visions les plus insensées: pendules astronomiques, complications acoustiques ou chronomètres de marine. «De tous les Arts qui ont rapport aux Mathématiques, celui de l’Horlogerie est un de ceux qui excite le plus la curiosité des savants, parce qu’il est des plus beaux et des plus utiles», écrivait en 1741 le maître horloger Thiout l’Aîné (1694-1767).
«De tous les Arts qui ont rapport aux Mathématiques, celui de l’Horlogerie est un de ceux qui excite le plus la curiosité des savants, parce qu’il est des plus beaux et des plus utiles.»
La consécration
Le 25 août 1823, le rez-de-chaussée du palais du Louvre ouvre ses portes à la cinquième «Exposition des produits de l’industrie française». Jamais, depuis sa création en 1798, la France n’aura rassemblé en un seul lieu autant d’exposants industriels, modestes artisans et inventeurs. Les proportions de ce salon hors normes sont titanesques: 1’762 entreprises réparties par secteur d’activité, dans 52 salles. Le visiteur curieux pouvait y découvrir les tous derniers modèles de «chauffage et éclairage» (salle no13), «cuirs et peaux» (salle no17), «instruments de musique» (salle no18), «soie et soieries, bonneterie, chapellerie» (salles no31 à 33), «bijouterie, tabletterie, coutellerie, armes» (salles no36 à 38) ou encore «verrerie, cristallerie» (salle no3).
Dans la salle no35, dédiée à l’«horlogerie fine et ornée», l’exposant no1093 – le jeune Onésiphore Pecqueur – expose côte à côte avec Antide Janvier (no1619), Lépine (no1574), Perrelet (no1598) ou encore Rieussec. Ce dernier présente une montre de son invention «qu’il appelle un chronographe», selon les propres mots du jury. Pecqueur doit attendre 1824 pour prendre connaissance des résultats de l’exposition. Le dénouement sera à la hauteur de son attente: le jury décide de lui décerner la plus haute distinction de sa catégorie, la médaille d’or. Ses concurrents devront se contenter de l’argent (frères Berthoud) et du bronze (Rieussec).
Ladite médaille récompense l’horloger et anticipe déjà les nombreuses répercussions industrielles des «rouages de Mr. Pecqueur»: «On peut en tirer un grand parti pour corriger les irrégularités de vitesse d’une machine à vapeur, d’une roue hydraulique, pour partager une résistance quelconque entre deux moteurs dans une proportion déterminée; enfin, pour résoudre une foule de problèmes de mécanique à la solution desquels les arts industriels sont directement intéressés.» Pecqueur lui-même en apporte la preuve éclatante pendant l’exposition. Il dévoile plusieurs applications concrètes qui couplent engrenages et vapeur, cette nouvelle force motrice, pierre angulaire de la révolution industrielle en cours.
L’horloger est tout autant mathématicien que physicien, chimiste et bien évidemment mécanicien. Onésiphore Pecqueur en a été la preuve vivante toute sa vie.
Onésiphore Pecqueur, quo vadis?
L’horloger est donc tout autant mathématicien que physicien, chimiste et bien évidemment mécanicien. Onésiphore Pecqueur en a été la preuve vivante toute sa vie. Né dans une modeste ferme de la région d’Amiens en l’an I du nouveau calendrier révolutionnaire, sa bibliographie est presque inexistante. Précoce, la légende veut qu’il ait complété son apprentissage horloger à Paris en quelques mois seulement, au lieu des quatre années requises. En 1818, son nom apparaît dans les registres de l’Académie française des sciences. Il y propose une ingénieuse solution mécanique permettant de résoudre toute équation à deux nombres premiers, y compris les nombres supérieurs aux centaines de milliers. Cette prouesse indéniable éveillera la curiosité de plusieurs académiciens.
Alors qu’il attend l’approbation définitive de l’Académie à son «équation mécanique», il présente à l’Exposition des produits de l’industrie française de 1819 une pendule indiquant le temps sidéral et le temps moyen. Le jury, composé entre autres d’Abraham-Louis Breguet (1747-1823), lui décerne une médaille d’argent pour l’invention d’un rouage qui «maintient les deux mouvements qui communiquent entre eux dans les rapports de vitesses convenables».
À première vue anodine, cette découverte aura des répercussions considérables, bien au-delà de la sphère horlogère. «Par cet artifice, le nombre de secondes dont la pendule sidérale avance ou retarde sur le temps sidéral est exactement égal au nombre de secondes qui exprime, au même instant, l’avance ou le retard de la pendule moyenne sur le temps moyen.» En d’autres termes, régler correctement la pendule de l’un des deux temps (sidéral ou moyen) permet d’obtenir instantanément l’autre temps.
Auréolé de la reconnaissance de ses pairs, le jeune Onésiphore, devenu chef des ateliers du Conservatoire National des Arts et Métiers de Paris, publie un ouvrage détaillant le fonctionnement précis de sa pendule. On ignore l’accueil que ce livre a pu susciter. Toutefois, il est certain que Pecqueur n’entend pas s’arrêter à cette première invention. Au Conservatoire, on l’imagine volontiers conceptualiser de nouvelles inventions, s’inspirant de la diversité des mécanismes qu’il restaure au quotidien. C’est pourquoi il décide alors de se présenter à la prochaine exposition des produits de l’industrie française de 1823.
Dans la salle dédiée à l’«horlogerie fine et ornée», le jeune Onésiphore Pecqueur expose côte à côte avec Antide Janvier, Lépine, Perrelet ou encore Rieussec.
Pecqueur, ingénieur automobile avant l’heure
Le 25 avril 1828, les «engrenages Pecqueur» font à nouveau parler d’eux. Pecqueur dépose le brevet d’un tout nouveau chariot à vapeur qui le projettera dans l’histoire… du monde automobile. L’ingénieur Émile Eude (1855-1928) écrira plus tard dans son Histoire documentaire de la mécanique française: «Ce qu’il y a de curieux dans le brevet de Pecqueur, c’est la description du différentiel qui prouve que nos ‘chauffeurs’ modernes n’ont peut-être pas tout inventé.»
En termes pratiques, la force motrice du chariot – une machine à vapeur installée à l’avant – est transmise aux deux roues de l’essieu arrière par un arbre central. Celui-ci est solidaire des arbres des deux roues arrières par l’intermédiaire d’un «mécanisme qui partage la puissance sur les deux roues sans nuire à leur indépendance», selon la description même de Pecqueur. Et c’est bien là que réside son principal intérêt: lors d’un virage, la roue intérieure ralentit tandis que la roue extérieure augmente proportionnellement sa vitesse.
Cette invention, baptisée plus tard «différentiel mécanique», est aujourd’hui encore très largement utilisée par les constructeurs automobiles. Rares sont les inventions issues de l’horlogerie qui peuvent prétendre avoir eu un tel impact. Et Pecqueur en a parfaitement conscience en 1828, lors de son dépôt de brevet, quand il formula sa demande: «J’insisterais particulièrement pour obtenir le privilège de faire les applications de ce mécanisme à toute espèce de voitures à vapeur.» Il va alors dédier les deux décennies suivantes à donner vie à une multitude de machines à vapeur, à l’image de la fameuse machine à produire des filets de pêche – qu’une entreprise anglaise lui achètera à prix d’or.
Rares sont les inventions issues de l’horlogerie qui peuvent prétendre avoir eu un tel impact.
La renaissance de l’esprit Pecqueur
Par l’une de ces ironies dont l’histoire n’est pas avare, le nom de cet inventeur de génie est totalement tombé dans l’oubli. Il est cependant sur le point de renaître grâce à l’ambition d’un homme: Patrick Bornhauser, président fondateur du groupe BPM qui compte près de 2000 collaborateurs répartis sur 110 sites et dont l’activité principale est la distribution de véhicules motorisés.
Arrière-petit-fils de Joachim Bornhauser, qui était l’horloger attitré de la ville suisse de Saint-Gall, Patrick Bornhauser s’intéresse de longue date à toutes les disciplines où interviennent les arts mécaniques: la haute horlogerie bien sûr, mais aussi l’automobile, le monde des deux roues motorisées, ou encore l’aéronautique et le motonautisme.
Son hommage à l’ingénieur Pecqueur passera tout d’abord par la création d’une montre GMT équipée d’un différentiel Pecqueur, en construction étagée, qui sera officiellement dévoilée en marge du salon Watches and Wonders de mars 2023.
Sous l’égide de la division BPM Exclusive, cette montre de série limitée servira de code d’accès et d’emblème au futur Club «Pecqueur Motorists», dont la signature «Arts Mécaniques en Mouvement» illustre parfaitement l’ADN de l’esprit Pecqueur. Plus de précisions fin janvier 2023, au prochain épisode de cette saga Pecqueur!
Le nom de cet inventeur de génie est totalement tombé dans l’oubli. Il est cependant sur le point de renaître grâce à l’ambition d’un homme: Patrick Bornhauser, président fondateur du groupe BPM.